L’observatoire
Accélérer la recherche et l’accès aux innovations
L'essentiel
L’évolution des innovations numériques en santé respiratoire en France depuis 2022 a marqué plusieurs étapes importantes. Tout d’abord, la télésurveillance médicale a été intégrée dans le droit commun début 2023, avec des tarifs forfaitaires mensuels établis par l’assurance maladie. Ensuite, la CNEDiMTS a recommandé en mars que la télésurveillance pour les insuffisants respiratoires sous oxygénothérapie soit incluse dans la prise en charge de droit commun. L’avenant n°9 à la convention médicale a par ailleurs favorisé l’émergence et l’utilisation accrue de la téléexpertise, avec une revalorisation des actes et une augmentation significative de l’inscription des professionnels de santé sur des plateformes dédiées depuis avril 2022. Parallèlement, des avancées telles que l’utilisation de l’intelligence artificielle dans des outils comme DeviceMD pour les patients asthmatiques et atteints de BPCO illustrent l’évolution continue de la technologie dans ce domaine.
Le plan Innovation santé 2030, incluant la création de nouveaux IHU, alloue plus de 7,5 milliards d’euros à la recherche biomédicale. L’IHU RespirERA se distingue avec un financement de 20 millions d’euros pour étudier les maladies respiratoires. En parallèle, l’UMR 1152 et la Chaire industrielle REVIDA poursuivent des recherches avancées sur ces pathologies. Toutefois, les centres de référence pour la mucoviscidose font face à un déficit de financement et de personnel, malgré le soutien de la mission d’intérêt général et des dons.
Les contraintes en France liées au secteur du numérique et l’absence de solutions souveraines ont des conséquences directes pour les patients français, en particulier en matière d’accès aux solutions les plus sûres en termes de cybersécurité.
L’association Collectif Droit à Respirer regrette notamment l’absence de cloud européen sécurisé, et l’absence de souveraineté en matière d’hébergement des données de santé, ayant pour risque un accès à ces données par les autorités américaines, en vertu du Cloud Act. Par ailleurs, le cycle de validation réglementaire n’est pas adapté à des évolutions de produit « logiciel » : le temps d’évaluation par les agences de l’Etat (Agence du Numérique en Santé, Haute Autorité de Santé…) ne garantit pas aujourd’hui la survie des entreprises du secteur, essentiellement composées de start-ups.
Il serait également plus que souhaitable de prendre en compte le regard des industriels qui sont les porteurs d’innovations techniques ou médicamenteuses. L’Association considère en effet que l’alliance et la discussion entre le savoir-faire des start-ups et des industriels et les besoins des professionnels et des patients doit être au cœur du développement des nouvelles technologies et biotechnologies en santé.
Notre évaluation des politiques publiques
MOYEN
1,7 milliard d’euros investis par la stratégie France 2030 dans la recherche biomédicale avec un intérêt spécifique pour les maladies respiratoires.
En 2013, la santé ne représentait que 15,20 % de la dépense de R&D en France, contre 30,70 % au Royaume-Uni, 29,40 % aux États-Unis et 18,00% en moyenne dans l’UE.
Annonce de 4 nouveaux bioclusters, 12 nouveaux instituts hospitalo-universitaires et différentes infrastructures de recherche, qui vont recevoir un soutien financier de la part de l’État pour accélérer la recherche et l’innovation en santé(1).
Il est aussi constaté une dépense intérieure brute en R&D en France représentait 2,20% du PIB, contre 3,26% au Japon et 3,04% en Allemagne. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, la recherche représente 2,58% du PIB(2).
- La prise en charge et le remboursement de la télésurveillance, expérimentée jusqu’en 2022 dans le cadre d’ETAPES et pérennisée par la LFSS pour 2022, a été inscrite début 2023 dans le droit commun. En France, selon l’arrêté du 16 mai 2023, les tarifs forfaitaires mensuels pour l’activité de télésurveillance médicale prise en charge par l’assurance maladie sont déterminés en fonction de l’intérêt organisationnel ou clinique, avec des montants allant de 50 € pour un intérêt organisationnel à 91,67 € pour un intérêt clinique lié à la mortalité(3). La télésurveillance semble indispensable pour suivre l’évolution de l’état clinique et prévenir les réhospitalisations chez les patients sous oxygénothérapie de longue durée.
- La Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et technologies de santé (CNEDiMTS) a de nouveau recommandé que la télésurveillance des patients insuffisants respiratoires chroniques sous oxygénothérapie à court ou à long terme soit intégrée à la prise en charge de droit commun, dans un avis mis en ligne par la Haute autorité de santé (HAS) le 24 mars. Au 1er juillet 2023, seules les pathologies ayant reçu un avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS) et ayant fait l’objet d’une publication au Journal officiel par arrêté ministériel sont ouvertes à la prise en charge dans le cadre du droit commun parmi lesquelles on retrouve l’insuffisance respiratoire(4).
- L’avenant n°9 à la convention médicale, entré en application en avril 2022, facilite le recours à la téléexpertise et en étend la prise en charge. L’acte de téléexpertise et l’acte de demande, facturables à raison de quatre actes par an et par médecin pour un même patient, ont été revalorisés. Ces changements ont conduit à une augmentation significative du recours à la téléexpertise, et le nombre de professionnels de santé inscrits sur des plateformes comme Omnidoc a plus que triplé depuis avril 2022 (5).
- Feuille de route du numérique en santé 2023-2027(6). Cette stratégie souligne l’importance de :
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- Prévention : Utilisation de l’innovation numérique pour une prévention plus personnalisée et l’avènement de la médecine prédictive, notamment via la plateforme Mon Espace Santé.
- Facilitation pour les professionnels : Amélioration de l’interopérabilité entre les solutions numériques de santé et l’intégration de Mon Espace Santé dans les logiciels professionnels.
- Accès aux soins : Développement de la télémédecine pour réduire les inégalités géographiques d’accès aux soins, avec l’objectif d’impliquer 1 million de patients chroniques en télésanté d’ici 2025.
- Afin de « promouvoir l’utilisation éthique du numérique en santé » et d’accélérer les usages, la délégation au numérique en santé (DNS) a lancé en novembre 2023 une campagne d’information nationale « Pour ma santé, je dis oui au numérique ».
- Les innovations numériques dans la santé respiratoire en 2023 englobent l’intelligence artificielle, avec des outils comme DeviceMD, un stéthoscope portable intelligent utilisant l’IA pour détecter les sifflements respiratoires anormaux chez les patients asthmatiques et atteints de BPCO(7)
NOTRE EVALUATION : L’intégration de la télésurveillance dans le droit commun au début de 2023 et l’établissement de tarifs forfaitaires mensuels par l’Assurance maladie marquent un pas en avant dans l’encadrement de cette pratique. La reconnaissance par la Haute Autorité de santé et la fixation des conditions de prise en charge pour des pathologies spécifiques, telles que l’insuffisance respiratoire, renforcent ce dispositif. L’avenant n°9 à la convention médicale a par ailleurs favorisé l’émergence et l’utilisation accrue de la téléexpertise, avec une revalorisation des actes et une augmentation significative de l’inscription des professionnels de santé sur des plateformes dédiées depuis avril 2022. La Feuille de route du numérique en santé 2023-2027 souligne l’importance de la prévention personnalisée, de l’amélioration de l’interopérabilité entre les outils numériques et de l’accès élargi aux soins via la télémédecine. Ces avancées, conjuguées aux innovations telles que l’intelligence artificielle appliquée au diagnostic respiratoire, suggèrent une meilleure exploitation des outils numériques en santé. Cependant, l’attractivité de la rémunération pour les équipes de soins et la généralisation de la pratique de la téléexpertise restent des enjeux à surveiller pour optimiser l’utilisation de ces technologies pour tous les patients.
- La loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 prévoit 25 milliards d’euros d’investissement sur les dix prochaines années au profit des organismes de recherche, des universités et des établissements. L’objectif est un budget annuel de 20 milliards d’euros en 2030, soit 5 milliards de plus qu’actuellement(8).
- La création des instituts hospitalo-universitaires (IHU) constitue une avancée, mais aucun des 7 en place ne recouvre directement le domaine de la santé respiratoire. A ce titre, le plan Innovation santé 2030 prévoit notamment le soutien financier à la création de nouveaux IHU(8).
- Le plan Innovation santé 2030, qui fait partie de la stratégie plus large de France 2030, s’annonce être un moteur significatif d’investissement dans la recherche biomédicale. Ce plan allouera plus de 7,5 milliards d’euros, dont plus d’un milliard dédié spécifiquement à la recherche et au lancement d’autres programmes d’excellence.
- L’initiative de l’IHU RespirERA, avec son financement de 20 millions d’euros, représente une avancée majeure dans la recherche sur les maladies respiratoires, en mettant l’accent sur l’importance de l’environnement et du vieillissement dans ces pathologies. L’originalité de cet IHU est de porter sur l’ensemble des pathologies touchant le système respiratoire, de l’enfant à la personne âgée.
- En 2023, l’UMR 1152 (unité Mixte de Recherche, placée sous la double tutelle de l’Inserm et de l’Université de Paris) poursuit ses recherches sur les maladies respiratoires en France, se concentrant sur l’identification des facteurs et mécanismes liés à l’apparition et la progression de maladies pulmonaires aiguës et chroniques telles que l’asthme, la BPCO/emphysème, et la fibrose pulmonaire. L’unité élargit également son champ d’étude à l’immunité innée contre les infections pulmonaires et les complications de la greffe du poumon, avec le soutien de l’INSERM et des professionnels de l’Hôpital Bichat à Paris(9).
- Le 11 octobre 2023, la Chaire industrielle REVIDA pour les maladies infectieuses respiratoires, portée par la chercheuse Sophie Trouillet-Assant (UCBL/HCL), a officiellement été lancée par l’Université Claude Bernard Lyon 1, les Hospices Civils de Lyon et bioMérieux, avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche. Elle doit permettre de renforcer la capacité des systèmes de santé à faire face à l’émergence de nouvelles maladies respiratoires(10).
- Les centres de référence pour la mucoviscidose en France bénéficient d’une dotation de la mission d’intérêt général (MIG) qui finance partiellement leurs activités. Malgré cela, il y a un déficit de personnel, avec un besoin estimé de 10 millions d’euros supplémentaires pour répondre aux standards de soins. L’association « Vaincre la Mucoviscidose » compense une partie de ce manque avec environ 900 000 euros annuels provenant de dons. Les financements annuels de la MIG comprennent 420 000 euros pour la filière santé maladies rares MUCO-CFTR et des fonds supplémentaires pour divers programmes et outils de prise en charge des patients(11).
NOTRE EVALUATION : La dynamique de financement en santé respiratoire en France prend de l’ampleur, illustrée par la loi de programmation de la recherche et le plan Innovation santé 2030 qui prévoient des investissements significatifs. L’initiative de l’IHU RespirERA et la création de la Chaire industrielle REVIDA soulignent l’intérêt croissant pour les impacts environnementaux et la nécessité d’une approche globale pour la santé respiratoire. Ces développements témoignent d’une prise de conscience accrue et de la promotion d’une recherche holistique et multidisciplinaire dans ce domaine crucial.
- La réforme de l’accès précoce a permis d’accélérer sensiblement l’accès à un nombre important de médicaments présumés innovants au bénéfice des patients. Elle a aussi prévu une implication renforcée du patient dans le recueil de données mais également l’intégration de la perspective des patients dans le processus d’évaluation au travers des contributions des associations de patients et d’usagers.
- La progression de l’ONDAM de 3,2 % en 2024, représente un engagement des pouvoirs publics à investir dans la santé, malgré les contraintes budgétaires. Cette augmentation, bien que modeste face à l’inflation, indique une reconnaissance de l’importance de l’accès aux innovations en santé, y compris pour les maladies respiratoires, tout en essayant de maintenir la maîtrise des dépenses publiques
NOTRE EVALUATION : Au-delà de la réforme de l’accès précoce favorablement accueillie par la majorité des acteurs, l’accès aux innovations reste freiné par le cadre de financement du système de santé, Pour 2024, l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) en France a été fixé à une progression de 3,2 % par rapport à 2023, ce qui représente un montant de 254,7 milliards d’euros, soit 8 milliards d’euros supplémentaires en prenant en compte l’inflation. Il reste cependant urgent de penser la santé comme un investissement et non comme un coût.
Au niveau européen, le programme Horizon Europe est la principale initiative de financement pour la recherche et l’innovation, couvrant divers domaines de la santé, y compris la santé respiratoire. Horizon Europe se concentre sur la santé tout au long de la vie, les déterminants de la santé environnementaux et sociaux, les maladies non transmissibles et rares, et les maladies infectieuses, y compris celles liées à la pauvreté et négligées. L’objectif est de développer de meilleurs diagnostics, des thérapies plus efficaces, des approches de médecine personnalisée, et d’intégrer des technologies de santé innovantes, telles que les solutions numériques, pour améliorer la santé et le bien-être. Cela inclut une collaboration transfrontalière pour partager les connaissances et les ressources et améliorer les systèmes de santé et de soins(12)
L’étude EGEA a joué un rôle clé dans les progrès de la recherche en pneumologie à l’échelle internationale. En 2023, elle a fourni de nouvelles données sur les aspects phénotypiques, environnementaux et biologiques de l’asthme, qui seront utiles pour comprendre l’évolution à long terme de cette maladie et les facteurs qui y sont associés(13)
À l’échelle mondiale, la Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) a publié son rapport 2023, qui résume les dernières connaissances et recommandations pour la prise en charge de la BPCO, une maladie respiratoire majeure. Ce travail est un exemple de recherche collaborative internationale et fournit une référence pour les praticiens et chercheurs dans le domaine de la santé respiratoire(14)
Propositions générales
01
Poursuivre la mise en place d’un cadre de télésurveillance des maladies respiratoires soutenable pour la collectivité et viable financièrement pour les acteurs de la pratique, et encourager le développement d’innovations numériques en santé respiratoire.
02
Soutenir et renforcer la recherche en Santé Respiratoire, notamment en créant un fonds de recherche public-privé et en y associant l’Union européenne et les collectivités territoriales.
03
Créer des outils de recensement statistiques transparents à l’échelle nationale pour chaque type de maladie respiratoire permettant de documenter l’impact sanitaire, économique, social et professionnel de ces maladies.
04
Investir de façon volontariste dans la recherche afin de mieux prédire, prévenir, repérer précocement et prendre en charge la dysfonction chronique du greffon pulmonaire pour les greffés.
05
Instituer des programmes de formation et de perfectionnement destinés aux professionnels de la santé sur les dernières innovations en matière de traitement des maladies respiratoires, pour assurer une mise en œuvre efficace et informée des nouvelles technologies et thérapies dans la pratique clinique.
06
Promouvoir la participation des patients dans les études cliniques.
07
Développer des outils d’évaluation pour les professionnels de santé leur permettant d’orienter leurs patients vers des applications numériques utiles aux malades respiratoires.
08
Prendre en compte le regard des industriels, porteurs d’innovations techniques ou médicamenteuses, pour mieux répondre aux besoins des professionnels et des patients en matière de développement du numérique en santé.
Les membres du Collectif
Le Collectif des Etats Généraux de la Santé Respiratoire, ce sont 27 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé impliqués dans la lutte contre les maladies respiratoires. Notre ambition est de rassembler l’ensemble des acteurs de la santé, publics et privés, pour faire de la santé respiratoire une priorité du quinquennat et pour travailler à la mise en œuvre d’un grand plan national santé respiratoire & environnementale.
Nos soutiens institutionnels
Sources
01
France 2030 : 16 nouveaux programmes d’excellence soutenus pour accélérer la recherche et l’innovation en santé - Ministère de la Santé et de la Prévention (sante.gouv.fr)
02
Rapport « LE FINANCEMENT ET L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE-SANTÉ » (senat.fr)
03
Arrêté du 16 mai 2023 fixant le montant forfaitaire de l'activité de télésurveillance médicale prise en charge par l'assurance maladie
04
Ameli : La télésurveillance
05
Les évolutions réglementaires de la téléexpertise.
06
Les évolutions réglementaires de la téléexpertise.
07
LE TOP 7 DES INNOVATIONS SANTÉ EN 2023
08
Gouvernement. Innovation santé 2030.
09
Physiopathologie et épidémiologie des maladies respiratoires - PHERE - UMR-S 1152 - RNSR n°201420731C
10
Lancement de la Chaire industrielle REVIDA sur les infections respiratoires virales
05
Les évolutions réglementaires de la téléexpertise.
11
Financement des centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose
12
Horizon Europe : Research and innovation funding programme until 2027
13
Effets additifs et synergiques entre les médicaments anti-inflammatoires de l'asthme - ScienceDirect
14