L’observatoire
Lutter contre les facteurs de risque environnementaux et comportementaux
L'essentiel
En 2023, la France a introduit des réglementations impliquant des contrôles annuels de ventilation, des autodiagnostics tous les quatre ans, et des campagnes de mesure des polluants. Bien que ces mesures s’alignent sur le 4e Plan National Santé Environnement pour assurer un air sain dans les résidences et lieux publics, les défis demeurent, particulièrement dans les infrastructures scolaires où la qualité de l’air requiert une attention urgente. De plus, il est nécessaire de développer davantage les professions de Conseiller en Environnement Intérieur (CEI) pour mieux encadrer et surveiller ces espaces. Dans les écoles, une étude réalisée par l’Observatoire de la Qualité de l’air intérieur entre 2013 et 2017 a révélé que la qualité de l’air dans les salles de classes est un enjeu majeur : 93% des classes présentent des concentrations en particules fines supérieures à la valeur guide de l’OMS pour une exposition à long terme(1).
La France souhaite progresser dans l’amélioration de la qualité de l’air en zones urbaines et rurales avec le renforcement du groupe santé-environnement (GSE) et le lancement du Plan National Santé-Environnement 4 (PNSE 4), qui comprend des initiatives telles que Recosanté pour sensibiliser les citoyens aux enjeux environnementaux. Toutefois, en vue de la stratégie nationale santé-environnement pour 2025, il reste encore des défis à relever, notamment en ce qui concerne la réduction des risques liés à la pollution atmosphérique. Le Plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques 2022-2025 s’efforce de cibler les principales sources d’émissions, mais l’ampleur des actions nécessaires pour un impact significatif est encore un enjeu majeur. La création d’un comité stratégique pour la transition écologique en santé illustre l’engagement vers une meilleure intégration de l’écologie dans les politiques de santé, mais il est clair que le chemin à parcourir est encore long et complexe.
Lutte contre le tabagisme : des efforts encore nécessaires malgré des initiatives qui vont dans le bon sens. Le programme national de lutte contre le tabac pour la période 2023-2027, dévoilé en novembre 2023, marque une étape dans l’engagement des pouvoirs publics contre le tabagisme en France. Ce plan vise à réduire la consommation de tabac à travers une série de mesures préventives, éducatives, et réglementaires visant à diminuer significativement les maladies liées au tabagisme, avec une économie estimée de 578 millions d’euros par an en frais de santé. En parallèle, l’Assemblée nationale a approuvé l’interdiction des dispositifs électroniques de vapotage jetables, une première en Europe, afin de lutter contre les risques liés au vapotage. Ces mesures reflètent un engagement des pouvoirs publics français en faveur de la lutte contre le tabagisme dont les évolutions seront à suivre prochainement et devront s’étendre au-delà de la simple augmentation tarifaire du tabac.
En 2023, la France a imposé l’élargissement des compétences de vaccination aux pharmaciens, sage-femmes et infirmiers, visant à renforcer la couverture vaccinale face à certaines maladies infectieuses, notamment pour cibler de manière plus efficace les groupes à risque pour la grippe et la Covid-19. De plus, le pays a recommandé l’immunisation des nourrissons contre le virus respiratoire syncitial (VRS), une mesure destinée à renforcer la lutte contre les infections respiratoires.
Notre évaluation des politiques publiques
INSUFFISANT
Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), la pollution atmosphérique
cause au moins 238 000 décès prématurés en 2020(4).
Est responsable de 10% des cancers en Europe(5).
Chaque année, 3,2 millions de personnes meurent prématurément de maladies imputables à la pollution de l’air intérieur(6).
21 % sont dus à une infection des voies respiratoires inférieures
19 % sont imputables à une BPCO
6 % sont dus au cancer du poumon
Les infections respiratoires à pneumocoques qui causent chaque année près de 9 000 décès intra-hospitaliers de personnes de plus de 65 ans(7).
Plus d’un logement sur deux en France est contaminé par des polluants dans l’air, parfois perceptibles (odeurs, humidité, fumées de tabac et de cuisson), mais invisibles la plupart du temps et présents dans les produits d’entretien(8).
Bien que la qualité de l’air intérieur varie en fonction des écoles et des villes, les chercheurs révèlent qu’environ 30% des 6590 enfants suivis, soit 3 enfants sur 10, sont exposés à des niveaux des principaux polluants atmosphériques supérieurs aux valeurs guides recommandées par l’OMS et l’ANSES(9).
Principale cause de cancer pulmonaire, le tabagisme peut également être à l’origine de la BPCO. Il est aussi constaté une augmentation du risque de mortalité par cancer du poumon pour les expositions au tabagisme passif, c’est-à-dire à l’exposition à la fumée du tabac dans l’environnement(9).
La santé respiratoire, souffre d’une insuffisante reconnaissance politique
- Après avoir défini en 2020 le parcours de soins des patients atteints de BPCO ainsi que les indicateurs permettant de mesurer la qualité des soins aux étapes-clés, la Haute autorité de santé a pour la première fois mesuré 7 de ces indicateurs à partir du Système national des données de santé, aux niveaux national et régional. En avril 2022, la HAS a ainsi publié les résultats à l’attention des professionnels de santé, des tutelles et des représentants de patients pour déployer sur le terrain des plans d’actions en adéquation avec le contexte local. Ces résultats ont montré que des améliorations étaient à mettre en œuvre à toutes les étapes du parcours de soins des personnes à risque ou atteintes de BPCO(10).
- En Région Hauts de France, en suivi de la publication de ces indicateurs et de programmes de calcul des indicateurs qualité, l’Assurance maladie, en partenariat avec l’agence régionale de santé et les acteurs locaux, a développé un outil de diagnostic territorial portant sur le parcours BPCO. Cet outil doit permettre d’accompagner les acteurs de soins, en particulier des structures d’exercice coordonné, pour améliorer la prise en charge des patients du territoire en identifiant des points de rupture dans le parcours de soin et en favorisant le déploiement d’optimisation.
Notre évaluation : La publication des premiers résultats issus de ces indicateurs dans le parcours de prise en charge des patients atteints de BPCO ou à risque constitue une première étape dans la reconnaissance des maladies respiratoires et de leurs facteurs. Pour autant, il conviendrait de déployer une stratégie plus globale afin de mieux appréhender les enjeux des maladies respiratoire, que ce soit en termes de communication, de prévention, ou de soins. Face aux chiffres alarmants de ces maladies, seul un grand plan pluriannuel et interministériel permettra d’appréhender l’ensemble des aspects, environnementaux, sanitaires et sociaux des maladies respiratoires.
Certaines mesures visent à améliorer la qualité de l’air intérieur et à lutter contre la présence de produits nocifs dans les produits domestiques
- Sur prescription du médecin, les Conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI) réalisent une visite au logement des personnes afin de réaliser un diagnostic des risques liés à leur environnement. Leur prise en charge est assurée par certaines ARS sur leur budget propre. L’audit du domicile chez les patients souffrant d’insuffisance respiratoire est essentiel pour évaluer la qualité de l’air et réduire les sources de pollution, ce qui apporte une valeur considérable aux bénéficiaires en permettant la mise en place de mesures d’éviction. Toutefois, cette offre demeure extrêmement limitée en raison du faible nombre de Conseillers Médicaux en Environnement Intérieur (CMEI) en exercice. La formation de ces professionnels est dispensée à travers des Diplômes Inter-Universitaires (DIU) proposés par un nombre restreint d’universités, sans cadre national défini ni financement pérenne, ce qui entraîne une variabilité dans leur rattachement institutionnel et une absence de grille indiciaire. Par conséquent, sur les 200 CMEI formés, seulement 120 sont actuellement en activité. De plus, le terme « CMEI » s’avère inapproprié puisqu’aucun médecin n’est diplômé dans ce domaine, laissant ainsi place à la nécessité de promouvoir le métier de Conseiller en Environnement Intérieur (CEI).
- La France a été précurseur sur la question des perturbateurs endocriniens(11), en étant le premier pays au monde à lancer, en 2014, une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. En 2019, la deuxième stratégie nationale(12) a notamment fixé l’objectif de réduire l’exposition des populations aux perturbateurs endocriniens.
- En 2023, le gouvernement français a renforcé les mesures visant à améliorer la qualité de l’air intérieur, notamment par la mise en œuvre d’un nouveau dispositif réglementaire de surveillance. Ce dispositif comprend une évaluation annuelle des moyens d’aération, un autodiagnostic de la qualité de l’air intérieur (QAI) tous les quatre ans, et des campagnes de mesures de polluants réglementés. Ces actions s’inscrivent dans le cadre du 4e plan national santé environnement (PNSE 4), qui priorise la connaissance de la QAI et l’accompagnement des acteurs du bâtiment, et visent à améliorer la QAI dans les logements et les établissements accueillant du public. L’air intérieur est une préoccupation de santé publique majeure en France, avec des coûts estimés à 19 milliards d’euros par an dus à la mauvaise qualité de l’air intérieur(13).
- L’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) a publié une série de notes juridiques concernant les enjeux de développement durable, dont l’une se concentre spécifiquement sur la qualité de l’air. Cette note décrypte la réglementation actuelle sur la surveillance de l’exposition au radon, l’aération des bâtiments, l’autodiagnostic et la mesure des polluants réglementés. Elle vise à informer les directeurs d’établissements et les responsables du développement durable des établissements sanitaires et médico-sociaux sur les obligations légales, les échéances à respecter, ainsi que les actions à mener pour assurer une bonne qualité de l’air, élément crucial pour un environnement sain. La note met également en lumière les sanctions possibles en cas de non-conformité.
NOTRE EVALUATION : Les progrès réglementaires de 2023, y compris la mise en place d’un nouveau dispositif de surveillance de la qualité de l’air intérieur, marquent une avancée intéressante. Ces mesures reflètent l’engagement des pouvoirs publics en France pour s’attaquer aux problèmes de qualité de l’air intérieur et leur impact sur la santé publique. Cependant, les défis persistants liés à l’accès aux services des CMEI ou CEI et à la communication sur les risques des perturbateurs endocriniens demeurent. La promotion du métier de CEI, intervenant sur prescription médicale, nécessite une attention particulière afin de garantir un accès équitable à ce métier sur l’ensemble du territoire. De plus, le rattachement institutionnel, ainsi que la rémunération de ces derniers, doivent être régis par un cadrage national afin d’assurer une uniformité et une juste reconnaissance de cette profession cruciale pour la santé publique. Ils auraient un rôle majeur à jouer concernant la communication sur la présence de composants nocifs dans les produits du quotidien dont les impacts sur la santé ont été clairement établis. Il est impératif d’accroître le nombre de professionnels et de renforcer les modèles de financement pour assurer un accès équitable aux conseils médicaux sur tout le territoire et d’intensifier les efforts de sensibilisation sur les composants nocifs dans les produits du quotidien.
Nouvelles initiatives pour favoriser une meilleure qualité de l’air urbain et rural : plusieurs plans sont mis en œuvre afin de réduire l’impact de la pollution de l’air sur la santé respiratoire.
- La nouvelle impulsion donnée au groupe santé-environnement (GSE) sous la présidence de la députée Anne-Cécile Violland a pour but de renforcer sa visibilité et sa légitimité institutionnelle, ce qui est en parfaite synergie avec les objectifs du Plan National Santé-Environnement 4 (PNSE 4) « un environnement, une santé »(15). Le PNSE 4 a déjà lancé des initiatives comme Recosanté, un service d’information qui fournit des recommandations personnalisées pour aider les individus à mieux comprendre et à réagir aux problèmes de qualité de l’air, aux niveaux de pollen, aux risques liés aux températures élevées, et à d’autres facteurs environnementaux susceptibles d’impacter la santé, les encourageant ainsi à adopter des comportements sains. L’évolution du GSE vers une structure plus formelle et institutionnellement reconnue pourrait potentiellement amplifier l’impact de tels services et renforcer les efforts nationaux de sensibilisation et d’action sur les liens entre santé et environnement.
- Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) en France a insisté sur la nécessité de mettre en place, avant 2025, une stratégie nationale santé-environnement afin d’améliorer la visibilité de cette thématique. Cette stratégie, recommandée après l’évaluation des trois premiers plans nationaux santé-environnement, devrait être interministérielle et dotée d’une gouvernance solide et de moyens adéquats. L’objectif est de réduire les risques environnementaux sur la santé humaine, notamment ceux liés à la pollution de l’air intérieur et extérieur, qui ont un impact significatif sur la santé respiratoire. Le HCSP recommande également l’intégration de cette stratégie dans la loi de finances pour assurer un financement dédié et efficace, ainsi que la création d’une spécialité médicale en santé-environnement pour renforcer la formation professionnelle dans ce domaine.
- Le Plan National de surveillance de la qualité de l’air ambiant 2016 – 20211(16), prorogé pour une durée de 3 ans, qui a pour objectif de développer l’articulation entre observation et évaluation des effets de la qualité de l’air et mise en place de politiques publiques.
- Le Plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques pour la période 2022-2025 qui prévoit des mesures touchant l’industrie, les transports, les habitations ou encore l’agriculture.
- La première Journée Nationale de la Qualité de l’Air, organisée à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023 par le groupe d’étude Air et Santé, était un événement clé pour aborder les questions de la santé respiratoire et la qualité de l’air. Les députées Claire Pitollat et Sophie Taillé-Polian, co-présidentes du groupe – à l’initiative de cet événement – ont souhaité mettre en lumière l’importance de la qualité de l’air sur la santé publique. Le Professeur Chantal Raherison-Semjen y a représenté le Collectif, soulignant l’état actuel et les perspectives d’amélioration de la qualité de l’air. Un atelier dédié à la mesure du souffle a également permis de sensibiliser les participants à l’importance du dépistage des maladies respiratoires.
- La décision du Conseil d’État d’imposer des astreintes à l’État français pour non-respect des seuils de pollution révèle un lien étroit entre les politiques de santé publique et la lutte contre les facteurs de risque pour la santé respiratoire. Malgré des progrès notables, avec la conformité aux seuils de dioxyde d’azote dans plusieurs zones urbaines et l’absence de dépassement des limites pour les particules fines, des zones comme Paris et Lyon demeurent vulnérables, ce qui indique la nécessité de mesures plus robustes. Ces mesures visent non seulement à atteindre les normes actuelles mais aussi à anticiper les futures directives plus strictes. Elles soulignent l’importance de l’action étatique dans la réduction de la pollution de l’air pour protéger la santé respiratoire et réduire les facteurs de risque associés.
Notre évaluation : La révision des seuils de pesticides et polluants, alignée sur les recommandations de l’OMS, reste une étape essentielle pour agir concrètement sur la qualité de l’air. A titre d’exemple, pour les PM2.5, considérées parmi les plus dangereuses pour la santé en raison de leur capacité à pénétrer profondément dans le système respiratoire, l’OMS recommande une valeur moyenne annuelle de 5 µg/m³, alors que la France fixe cette valeur à 20 µg/m³. Il en va de même pour le NO2, un polluant majoritairement issu des émissions des véhicules et de certaines activités industrielles, l’OMS recommande une valeur moyenne annuelle de 10 µg/m³, en contraste avec la limite française de 40 µg/m³. Les avancées récentes, telles que la consolidation du GSE et la stratégie nationale santé-environnement (PNSE 4), ainsi que la création d’un comité stratégique pour la transition écologique dans le secteur de la santé, témoignent d’une approche plus holistique et transversale pour traiter les problématiques environnementales impactant la santé respiratoire. Pour maximiser leur efficacité, ces politiques doivent intégrer pleinement les secteurs industriel, énergétique, alimentaire et de santé, et être soutenues par une gouvernance et des financements adéquats.
Une politique désormais prioritaire pour les pouvoirs publics
- Le programme national de lutte contre le tabac pour la période 2023-2027, dévoilé en novembre 2023, marque une étape significative dans l’engagement des pouvoirs publics contre le tabagisme en France. Ce plan ambitieux vise à réduire considérablement la consommation de tabac à travers une série de mesures préventives, éducatives, et réglementaires. L’une des initiatives phares de ce programme est le renforcement des campagnes de sensibilisation sur les dangers du tabagisme, l’augmentation du soutien aux fumeurs désirant arrêter, ainsi que l’implémentation de politiques visant à protéger les jeunes et les populations vulnérables. Parallèlement, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 a pris des mesures audacieuses en incluant un déplafonnement des droits d’accises sur le tabac, effectif dès le 1er janvier 2024. Cette mesure fiscale vise à dissuader la consommation de tabac par une augmentation significative des prix, considérée comme l’une des stratégies les plus efficaces pour réduire le tabagisme. Ensemble, ces initiatives reflètent une volonté forte de l’État de lutter contre le tabagisme, en reconnaissant les graves conséquences sanitaires et économiques associées à cette addiction.
- La reconduction du programme national de lutte contre le tabac de la France de 2023 à 2050 pourrait ainsi prévenir environ 4 millions de cas de maladies chroniques et économiser 578 millions d’euros par an en frais de santé. Selon l’OCDE, ces économies proviendraient de la diminution des maladies liées au tabac telles que les infections respiratoires, la BPCO, certains cancers, et d’autres maladies chroniques. De plus, la hausse des prix du tabac, l’introduction de paquets neutres, et les campagnes de sensibilisation comme #MoisSansTabac ont montré un retour sur investissement significatif. Ces mesures ne réduisent pas seulement les dépenses de santé, mais augmentent aussi l’espérance de vie et la productivité, contribuant ainsi à une meilleure santé respiratoire et à la lutte contre les facteurs de risque associés au tabagisme.
- La proposition de loi pour interdire les dispositifs électroniques de vapotage jetables ou à usage unique (« puffs ») a été validée par l’Assemblée nationale le 4 décembre. Cette décision a été prise sans amendements dans le cadre d’une procédure de législation en commission (Plec). Francesca Pasquini, corapporteure écologiste, vise l’adoption de cette proposition par le Sénat au premier trimestre 2024, avec une application prévue pour l’été 2024. Cependant, la France doit notifier à la Commission européenne son intention d’interdire ces produits. Jusqu’à présent, seule la Belgique a tenté une réforme similaire, qui n’a pas abouti. La Commission européenne a jugé les justifications insuffisantes, mais de récentes informations de presse suggèrent une nouvelle tentative prochaine.
- Cependant, la France doit notifier à la Commission européenne son intention d’interdire ces produits. Jusqu’à présent, seule la Belgique a tenté une réforme similaire, qui n’a pas abouti. La Commission européenne a jugé les justifications insuffisantes, mais de récentes informations de presse suggèrent une nouvelle tentative prochaine.
Notre évaluation : La lutte contre le tabagisme constitue un enjeu prioritaire de santé publique pour les autorités, qui s’est manifesté par plusieurs initiatives et mesures préventives. Cependant, la nécessité de mesures plus rigoureuses est accentuée par la prise de conscience du coût social exorbitant du tabagisme, estimé à 156 milliards d’euros annuellement, englobant non seulement les dépenses de santé mais aussi la perte de productivité et de qualité de vie. Bien que des progrès soient observables, notamment une diminution des décès liés au tabac, le Comité national contre le tabagisme appelle à une action plus ferme, surtout en matière fiscale, pour réduire encore le fardeau du tabagisme. Les législations actuelles montrent des résultats positifs, particulièrement sur la santé respiratoire, mais une attention accrue doit être portée aux nouveaux produits attractifs pour les jeunes pour consolider ces avancées et améliorer la santé publique de manière durable. Néanmoins, il ne faut pas oublier la lutte contre le tabagisme, notamment à travers l’augmentation des prix du tabac, peut être partiellement contournée par le développement du marché noir et de la contrebande du tabac. Cette réalité doit être prise en compte dans l’élaboration de politiques visant à réduire la consommation de tabac et à protéger la santé publique. De plus, face au renoncement du gouvernement à l’objectif d’une génération sans tabac, un appel doit être lancé pour aboutir à un environnement exempt de tabac et concrétiser la vision d’une première génération européenne sans tabac d’ici 2030.
Le renforcement de la prévention et de l’accès à la vaccination accéléré par la crise sanitaire
- Dans la continuité des mesures déjà prises sur l’extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, la LFSS pour 2023(17) prévoit l’ouverture de nouvelles compétences de prescription vaccinale pour les pharmaciens, les sage-femmes et les infirmiers et l’élargissement de la liste des vaccins qu’ils sont autorisés à administrer.
- Par ailleurs, l’Etat met en place à chaque saison hivernale des campagnes de sensibilisation médiatique pour inviter les Français à se faire vacciner contre la grippe et la Covid-19. En 2023, la politique de santé française en matière de vaccination contre les maladies respiratoires s’est concentrée sur les groupes à risque(18). La Haute Autorité de santé a recommandé des vaccinations de rappel automnales pour les personnes à risque de développer des formes graves de Covid-19, suivant une approche similaire à celle de la vaccination contre la grippe saisonnière(19).
- De manière notable, mi-septembre 2023, la France est devenue l’un des premiers pays au monde à encourager l’immunisation de tous les nourrissons contre le virus respiratoire syncytial (VRS), marquant une étape importante dans la prévention des infections respiratoires chez les plus jeunes(20). De plus, la HAS prévoit, dans les mois à venir, de publier des recommandations vaccinales contre les infections à VRS chez les femmes enceintes(21) et chez l’adulte âgé de 60 ans et plus(22).
Notre évaluation :
Des efforts sont constatés par les pouvoirs publics depuis plusieurs années avec notamment l’extension des prérogatives vaccinales et la promotion de l’immunisation contre le VRS chez les nourrissons. Des travaux en cours sur des recommandations vaccinales chez les femmes enceintes et les adultes. D’autre part, il semble essentiel d’élargir ces efforts au-delà des maladies telles que la grippe et la Covid-19, et d’étendre la portée des campagnes de vaccination au-delà des périodes saisonnières. Cela permettrait une couverture plus complète et une meilleure protection tout au long de l’année contre un éventail plus large de maladies respiratoires. En France, le focus de la politique nationale de vaccination est principalement dirigé vers l’immunisation des nourrissons, avec un calendrier comprenant 11 vaccinations obligatoires avant l’âge de 18 mois. Cependant, au-delà de cet âge, y compris pour les personnes âgées, les recommandations concernant les vaccinations de routine sont souvent négligées, à l’exception des vaccinations obligatoires pour certains groupes (comme les professionnels de la santé et les militaires).
Un constat alarmant se fait particulièrement sentir chez les individus âgés de 65 ans et plus, qui représentent plus de 20% de la population. En effet, l’insuffisance des taux de vaccination contre 4 maladies infectieuses particulièrement graves pour cette tranche d’âge (grippe, Covid-19, pneumococcies et zona) engendre un fardeau médical et économique croissant dans une population vieillissante. De plus, il est a noté que lors de sa disponibilité, l’absence de remboursement du vaccin contre le VRS pour les plus de 65 ans et les personnes fragiles a soulevé des préoccupations.
Face à cette réalité, il est impératif que la vaccination des seniors devienne une priorité de santé publique. Pour ce faire, il est essentiel d’améliorer la couverture vaccinale des personnes âgées en mobilisant l’ensemble des professionnels de santé, notamment les médecins traitants. De plus, il convient de tirer parti des progrès récents dans le domaine de la vaccinologie et d’intégrer ces avancées dans un programme ambitieux visant à maintenir des taux de vaccination adéquats tout au long de la vie, en exploitant notamment les technologies numériques.
Le renforcement de l’accès à la vaccination accéléré par la crise sanitaire
- Dans la continuité des mesures déjà prises sur l’extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, la LFSS pour 2023(14) prévoit l’ouverture de nouvelles compétences de prescription vaccinale pour les pharmaciens, les sage-femmes et les infirmiers et l’élargissement de la liste des vaccins qu’ils sont autorisés à administrer.
- Par ailleurs, l’Etat met en place à chaque saison hivernale des campagnes de sensibilisation médiatique pour inviter les Français à se faire vacciner contre la grippe et la Covid-19.
Notre évaluation : Malgré les efforts fournis par les pouvoirs publics depuis plusieurs années pour rappeler l’importance et le rôle de la vaccination dans la prévention des infections respiratoires, ceux-ci ne se sont concentrés que sur la grippe et la covid-19, et ce lors de campagnes saisonnières.
- La Société européenne de pneumologie (ERS) travaille à influer sur les politiques de l’UE et les Coalitions nationales en engageant directement les décideurs pour sécuriser l’allocation des ressources vitales pour une meilleure santé pulmonaire, en construisant des coalitions axées sur la prévention, la recherche, l’environnement, la lutte contre le tabagisme, la santé publique, les patients et les domaines des maladies respiratoires
Un programme canadien de gestion intégrée en soins primaires, nommé « Best Care COPD », a démontré son efficacité pour réduire les exacerbations de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), les hospitalisations et les visites aux urgences. Ce programme multidisciplinaire, impliquant éducation thérapeutique, prévention et autogestion des patients, a été évalué à travers une analyse de séries chronologiques interrompues sur huit ans. Les résultats indiquent une baisse significative des taux mensuels d’hospitalisations et de passages aux urgences pour exacerbations de BPCO, soulignant l’importance d’une telle gestion intégrée pour améliorer les soins des patients avec BPCO et réduire l’impact sur le système de santé.
La pollution atmosphérique, et en particulier les particules fines PM2.5, constitue une menace majeure pour la santé respiratoire à l’échelle mondiale, avec des impacts significatifs sur des villes comme Chicago. Selon le rapport de l’Energy Policy Institute at the University of Chicago, elle réduit l’espérance de vie de manière comparable au tabagisme et bien plus que d’autres risques tels que l’alcool ou les accidents de transport. La réduction de cette pollution au seuil recommandé par l’OMS pourrait allonger l’espérance de vie et diminuer les maladies chroniques respiratoires, cardiovasculaires, ainsi que le cancer du poumon.
01
Organiser une conférence nationale de santé environnementale et respiratoire afin de définir une feuille de route s’intéressant aux multiples facteurs des maladies respiratoires.
02
Renforcer la stratégie nationale de lutte contre le tabagisme impliquerait d’élargir les zones non-fumeurs, notamment autour des établissements scolaires, universitaires et des hôpitaux. Cela inclurait aussi une augmentation des campagnes publicitaires et des incitations pour encourager l’arrêt du tabac dans ces espaces.
03
Impliquer le Ministère chargé de l’Education nationale pour intégrer des ateliers de prévention sur les risques des drogues, addictions, et le tabagisme dans les programmes scolaires. Ces sessions viseront à sensibiliser les jeunes aux impacts de ces comportements sur la santé dès le plus jeune âge.
04
Lancer dès à présent une mission Flash « Prématurité et Phtalates », avec le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) et le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age (HCFEA), associée à une campagne grand public (visant en particulier les femmes enceintes) pour diminuer les expositions.
05
Renforcer la Taxe générale sur les activités polluantes des entreprises et le fléchage des recettes vers des actions de prévention auprès de la population et des malades.
06
Elargir la liste des vaccins abordés pendant les bilans de prévention aux âges clés de la vie aux vaccins recommandés, en particulier à 60-65 ans et pour les plus fragiles.
07
Elargir le champ des campagnes de prévention vaccinale à l’ensemble des infections respiratoires en particulier la grippe, le VRS, les infections à pneumocoques, la coqueluche et la tuberculose et adapter leur temporalité.
08
Renforcer sensiblement le nombre de conseiller en environnement intérieur (CEI ou CMEI) via une formation initiale renforcée et faire la promotion de leur rôle afin de réaliser un bilan individualisé pour chaque patient atteint d’une maladie respiratoire, et déployer un cadre de financement pérenne permettant le remboursement de ces consultations.
09
Améliorer les indicateurs de la qualité de l’air en réévaluant les seuils de pollution et en y intégrant notamment les polluants toxiques pour les poumons (produits chlorés, pesticides…) et y faciliter l’accès.
10
Intégrer la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les infrastructures publiques, y compris les établissements scolaires et les logements, en se concentrant sur les polluants nouveaux et les conséquences de la dégradation de la qualité des bâtiments publics sur la santé pulmonaire des enfants.
11
Renforcer les campagnes de communication et de lutte contre la pollution en intégrant aux réflexions publiques les professionnels de santé et les représentants de patients.
12
Lister les produits domestiques aux composants toxiques et mettre en place une signalétique permettant de les identifier facilement, à l’instar du Nutriscore pour les produits alimentaires.
13
Mener une réflexion de fond afin de lutter contre la défiance croissante de la population envers la science, en particulier vis-à-vis de la vaccination.
14
Mettre en place un dispositif d’alerte météorologique à disposition de l’ensemble des patients atteints de maladies respiratoires chroniques particulièrement sensibles aux évènements climatiques, en s’inspirant du service d’information mis en place pour les patients à haut risque vital en cas de coupure sur le réseau électrique.
Les membres du Collectif
Le Collectif des Etats Généraux de la Santé Respiratoire, ce sont 27 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé impliqués dans la lutte contre les maladies respiratoires. Notre ambition est de rassembler l’ensemble des acteurs de la santé, publics et privés, pour faire de la santé respiratoire une priorité du quinquennat et pour travailler à la mise en œuvre d’un grand plan national santé respiratoire & environnementale.
Nos soutiens institutionnels
Sources
01
Etude Qualité de l’Air et confort dans les écoles en France, OQAI
02
Organisation mondiale de la Santé. Pollution de l’air à l’intérieur des habitations et santé.
03
L'impact silencieux de la pollution de l'air sur notre santé
04
Le Monde.
05
Agence européenne pour l’environnement. L’exposition à la pollution provoque 10 % des cas de cancer en Europe.
06
Organisation mondiale de la Santé. Pollution de l’air à l’intérieur des habitations et santé.
07
Hoogendijk EO et al. Adverse effects of pneumonia on physical functioning in nursing home residents: Results from the INCUR study. Arch Gerontol Geriatr. 2016 Jul-Aug;65:116-21.
Centre de lutte contre le cancer Léon Berard. Tabac.
08
Observatoire de la qualité de l’air intérieur.
09
Centre de lutte contre le cancer Léon Berard. Tabac.
10
BPCO, des indicateurs de qualité pour évaluer le parcours de soins des patients, Haute autorité de santé
11
Gouvernement : La stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
12
Gouvernement : Deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
13
Qualité de l'air intérieur
14
Barrett M. Welch et al. Associations Between Prenatal Urinary Biomarkers of Phthalate Exposure and Preterm Birth: A Pooled Study of 16 US Cohorts. JAMA Pediatr. 2022 Sep 1;176(9):895-905.
LOI n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Article 33.
15
Plan National Santé-Environnement 4 (PNSE 4) : ``un environnement, une santé`` (2021-2025)
16
Gouvernement : Plan National de Surveillance de la Qualité de l’Air Ambiant 2016-2021
17
LOI n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Article 33.
18
Campagne de vaccination 2023/2024 contre la grippe et le Covid-19
19
Covid-19 : la HAS publie sa recommandation de stratégie vaccinale pour 2023
20
Prévenir les infections respiratoires à vrs chez le nourrisson et les seniors
21
HAS - Note de cadrage - Recommandation vaccinale contre les infections à VRS chez les femmes enceintes
22