L’observatoire
Mieux dépister les maladies respiratoires
Synthèse
La prévention est une priorité déclarée des pouvoirs publics pour le quinquennat pour laquelle plusieurs mesures ont été mises en place. Cependant, nous pouvons constater que l’accès au dépistage des maladies respiratoires nécessite d’être renforcé pour identifier l’ensemble des patients atteints. Pour devenir un système de prévention efficace, le modèle de santé français doit encore évoluer en matière de dépistage du souffle, notamment sur ses aspects techniques et financiers, mais également sur le plan de la formation et l’extension des compétences des professionnels de santé, en particulier infirmiers et pharmaciens.
Notre évaluation des politiques publiques
MOYEN
Nos 3 priorités pour 2023
01
Inscrire la réalisation du dépistage du souffle par spirométrie au cours des consultations de prévention aux âges clés de la vie prévus à l’article 29 de la LFSS pour 2023.
02
Former et équiper les médecins scolaires et du travail pour la réalisation du dépistage du souffle afin de permettre sa mise en œuvre au cours des visites médicales au travail et à l’école.
03
Former les professionnels paramédicaux et pharmaciens à la mesure du souffle et leur donner les moyens techniques de la réaliser afin de faciliter le repérage de patients à risque de développement de maladies respiratoires.
50% des personnes qui présentent des symptômes quotidiens sévères n’ont jamais été diagnostiquées(1).
1000 décès évitables par an si l’asthme était mieux dépisté et les traitements bien suivis(2).
Seuls 3 français sur 10 ont déjà eu recours à la mesure du souffle qu’est la spirométrie(3).
Entre 66 et 90 % des cas de BPCO ne sont pas diagnostiqués.
Les maladies respiratoires ne sont pas suffisamment visées par les actions de prévention prévues par les pouvoirs publics
• La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit la mise en œuvre de consultations médicales gratuites de prévention à 25, 45 et 65 ans(5). Ces rendez-vous de prévention, adaptées à chaque tranche d’âge, auront pour objectif de prévenir et lutter contre l’apparition de facteurs de risques ou de pathologies.
Notre évaluation : Ces consultations sont essentielles pour accompagner la population à certaines étapes importantes de la vie. S’il est aujourd’hui prévu qu’elles aient notamment pour objectifs d’encourager l’activité physique, de prévenir les cancers et de promouvoir la santé mentale, elles ne couvrent pas clairement la prévention des facteurs de risque environnementaux et la conservation du capital respiratoire tout au long de la vie.
De premières avancées à étendre pour le suivi post-professionnel de l’exposition à l’amiante
• Si une personne a été exposée à l’amiante dans le cadre de son travail, elle peut bénéficier d’une surveillance médicale spécifique : le suivi post-professionnel. Cette démarche préventive permet de dépister plus précocement une éventuelle maladie due à l’inhalation d’amiante, et est assurée par le médecin traitant (généraliste ou spécialiste) après cessation de l’exposition(6).
Notre évaluation : Si les risques liés à une exposition à l’amiante sont désormais bien connus des Français, des professions exposées à d’autres substances toxiques pour le capital respiratoire ne sont pas encore ciblées par ce suivi post-professionnel.
De premiers éléments invitent à développer l’accès au dépistage du souffle, notamment pour identifier précocement des patients touchés par la BPCO
• En 2014, la HAS a développé des outils (deux fiches « Points clés et solutions ») et mis à disposition l’un des questionnaires de dépistage de la BPCO permettant de déceler les principaux signes d’alerte de la BPCO. Le médecin doit ensuite confirmer le diagnostic par mesure du souffle.
• L’évaluation de la qualité des soins pour la BPCO en 2022 par la HAS(7) montre que :
- Le dépistage de la BPCO par la réalisation d’une spirométrie ou d’une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) est nécessaire chez les personnes exposées à un risque de développer la maladie (tabac, exposition professionnelle à des toxiques ou irritants) afin de réduire l’exposition, ralentir l’évolution de la maladie et diminuer la fréquence et la sévérité des complications.
- La réalisation d’EFR ou d’une spirométrie annuelle chez les patients atteints de BPCO est primordiale pour surveiller la fonction respiratoire et ajuster ou renforcer les traitements si nécessaire.
Notre évaluation : Avec un dépistage réalisé chez seulement 21,3% des personnes identifiées à risque de BPCO et une évaluation annuelle chez seulement 34,2% des patients8, il conviendrait de mettre en œuvre une politique de dépistage du souffle plus volontariste, afin d’orienter le plus tôt possible les patients qui seraient atteints d’une maladie respiratoire, quelle qu’elle soit, dans un parcours de soins et une prise en charge adaptés. Les professionnels de santé de proximité, notamment les infirmiers de pratique avancée et les pharmaciens pourraient avoir un rôle à jouer dans ce cadre.
Les bases d’un dépistage organisé commencent à être posées
• A la lumière de nouvelles données scientifiques, la HAS encourage, dans son rapport d’orientation du 1er février 2022(9), la mise en place d’un projet pilote en vie réelle et la rédaction d’études complémentaires pour documenter et définir les modalités de dépistage des cancers bronchopulmonaires les plus adaptées au contexte français. L’Inca a débuté son programme pilote au troisième trimestre 2022 avec la mise en place du cadre et des groupes de travail. Un appel à projet devrait être lancé à la fin du second semestre 2023(10).
Notre évaluation : Préconisé par la Commission européenne, un tel programme de dépistage a déjà démontré son efficacité dans plusieurs pays de l’Union Européenne. Le pilote de l’INCa est une première étape importante avant la généralisation du programme sur l’ensemble du territoire.
Au Royaume-Uni, le NHS Long Term Plan définit les ambitions de la NHS pour les 10 prochaines années, en identifiant les maladies respiratoires comme une priorité clinique. Un nouveau programme a été mis en place pour améliorer le traitement et le soutien des personnes souffrant de maladies respiratoires et tenir les engagements énoncés dans le plan à long terme de la NHS. La NHS se donne notamment pour objectif de permettre un diagnostic précoce et précis des maladies respiratoires, en soutenant la formation du personnel de santé à la réalisation de tests de dépistage telle que la spirométrie.
En Pologne, en 2020, un programme national de dépistage du cancer du poumon a été mis en place afin de sensibiliser à la détection précoce de ce cancer au sein des services de sevrage tabagique, à accroitre l’accès au dépistage dans une population à haut risque et à développer des ressources pour soutenir la capacité des professionnels de santé à mettre en place un programme durable de dépistage du cancer du poumon dans la population. Des programmes similaires ont été également lancés en Croatie en 2020 et en République Tchèque en 2022.
Deux principaux essais randomisés, l’américain NLST et l’européen NELSON, ont démontré leur efficacité sur la mortalité par cancer et la mortalité toutes causes également, même si elle est plus faible, dans une population ciblée. Une méta-analyse publiée à l’été 2022 a estimé le bénéfice d’un dépistage organisé à une baisse d’environ 20% sur les décès par cancer du poumon et d’environ 5% sur la mortalité globale(11).
01
Organiser Inscrire la réalisation du dépistage du souffle par spirométrie au cours des consultations de prévention aux âges clés de la vie prévus à l’article 29 de la LFSS pour 2023.
02
Former et équiper les médecins scolaires et du travail pour la réalisation du dépistage du souffle afin de permettre sa mise en œuvre au cours des visites médicales au travail et à l’école.
03
Adresser un bon aux assurés sociaux de la part de l’assurance maladie pour passer des examens respiratoires, en s’inspirant de ce qui est réalisé pour la mammographie et le dépistage du cancer du sein.
04
Sensibiliser les professeurs d’éducation physique et sportive à la reconnaissance des signes évocateurs d’une maladie respiratoire chez les élèves.
05
Mettre en place des outils et des formations continues ciblées à destination des médecins généralistes pour créer des réflexes « maladie respiratoire » afin de diminuer l’errance diagnostique et thérapeutique.
06
Former les professionnels paramédicaux et pharmaciens à la mesure du souffle et leur donner les moyens techniques de la réaliser afin de faciliter le repérage de patients à risque de développement de maladies respiratoires.
07
Faciliter l’accès des professionnels de santé, notamment des médecins généralistes et des infirmiers de ville, aux outils nécessaires à la réalisation de la spirométrie et la téléexpertise associée.
08
Sensibiliser les Français à l’autodiagnostic et au repérage de signes évocateurs en diffusant largement le message « tousser et/ou être essoufflé, même si on est fumeur n’est pas normal », et en instaurant des habitudes d’autoévaluation de la fonction respiratoire.
09
Elargir les consultations post-exposition prévues dans le cadre du suivi postprofessionnel à d’autres substances toxiques pour le capital respiratoire, tels que les farines utilisées en boulangerie.
10
Autoriser l’accès direct aux pneumologues comme cela est déjà le cas pour le gynécologue, l’ophtalmologue ou le psychiatre.
11
Mettre en œuvre des campagnes périodiques de communication sur le dépistage du souffle à destination du grand public.
Les membres du Collectif
Le Collectif des Etats Généraux de la Santé Respiratoire, ce sont 27 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé impliqués dans la lutte contre les maladies respiratoires. Notre ambition est de rassembler l’ensemble des acteurs de la santé, publics et privés, pour faire de la santé respiratoire une priorité du quinquennat et pour travailler à la mise en œuvre d’un grand plan national santé respiratoire & environnementale.
Nos soutiens institutionnels
Sources
01
Les Français face à la santé respiratoire. Une étude Ipsos pour la SPLF, Août 2021
02
Centre Hospitalier Emile Durkheim. Journée mondiale de l’asthme.
03
Chiffre issus du sondage Ipsos « Les Français face à la santé respiratoire » réalisé en juillet 2021 pour la SPLF
04
HAS. Détecter et diagnostiquer la BPCO même sans symptôme apparent.
05
LOI n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Article 29.
06
AMELI. Une prévention essentielle face aux risques liés à l’amiante.
07
Centre de lutte contre le cancer Léon Berard. Tabac.
08
Centre Hospitalier Emile Durkheim. Journée mondiale de l’asthme.
09
HAS. Dépistage du cancer du poumon.
10
INCa. Dépistage du cancer du poumon : lancement d’un projet pilote par l’Institut
11