L’observatoire
Mieux dépister les maladies respiratoires
L'essentiel
L’intégration du dépistage du souffle dans le guide des consultations de prévention aux âges clés de la vie : une avancée majeure pour le dépistage des maladies respiratoires. Cet ajout stratégique vise à identifier et intégrer les patients dans des parcours de soins liés à la BPCO, l’asthme et l’apnée du sommeil. À la date de rédaction de l’observatoire 2023, le guide n’avait pas encore été publié, par conséquent, il n’a pas été possible d’inclure cette avancée significative dans l’observatoire. Néanmoins, elle sera prise en compte dans l’édition de l’observatoire de 2024.
La Surveillance Post-Exposition (SPE) cible les travailleurs toujours en activité mais non exposés. Cependant, d’autres substances toxiques professionnelles affectant la santé respiratoire restent hors du champ de ce suivi.
Depuis 2014, des progrès ont été faits dans le dépistage de la BPCO, avec la HAS développant des outils de dépistage précoce. Toutefois, l’évaluation de 2022 révèle que seulement 21,3% des personnes à risque sont dépistées, et 34,2% des patients atteints réalisent une évaluation annuelle. La HAS souligne l’importance de la spirométrie et de l’exploration fonctionnelle respiratoire pour le dépistage et le suivi de la BPCO. Pour améliorer la situation, une politique de dépistage du souffle plus proactive est nécessaire, avec une implication accrue des professionnels de santé de proximité comme les infirmiers de pratique avancée et les pharmaciens.
En France, le dépistage organisé du cancer du poumon évolue avec le soutien de la HAS, qui a recommandé un projet pilote et des études supplémentaires dès février 2022. L’INCa a initié un projet pilote avec le scanner des critères d’éligibilité. En parallèle, l’AP-HP réalise l’étude pilote CASCADE pour les femmes, utilisant une méthode similaire. Ces projets, alignés avec les pratiques de dépistage efficaces en Europe, sont des étapes clés vers la généralisation du programme en France. L’Association regrette cependant que ces projets n’engagent pas à date d’acceptation des tutelles.
Notre évaluation des politiques publiques
MOYEN
50% des personnes qui présentent des symptômes quotidiens sévères n’ont jamais été diagnostiquées¹.
1000 décès évitables par an si l’asthme était mieux dépisté et les traitements bien suivis².
Seuls 3 français sur 10 ont déjà eu recours à la mesure du souffle qu’est la spirométrie³.
Une étude de la cohorte CONSTANCES a révélé que, bien que 4,6 % des adultes présentent une limitation du débit d’air aux tests de spirométrie, 64,4 % d’entre eux n’avaient pas signalé de diagnostic antérieur de maladie pulmonaire obstructive(4).
Environ 45 % des adultes présentant une limitation du débit d’air modérée à sévère étaient également non diagnostiqués, malgré la présence de symptômes respiratoire.
Les études populationnelles indiquent que 20 % à 70 % des adultes avec de l’asthme restent non diagnostiqués. Une analyse regroupée de sondages nationaux et internationaux estime que 81 % des patients atteints de BPCO étaient non diagnostiqués (Entre 66 et 90 % des cas de BPCO ne sont pas diagnostiqués(5)).
Entre 66 et 90 % des cas de BPCO ne sont pas diagnostiqués.
- La recherche laisse entrevoir qu’entre 15 et 20 % des cas de BPCO sont au moins partiellement déclenchés par la présence de matériaux ou agents à risque dans l’environnement de travail(6).
- Si une personne a été exposée à l’amiante dans le cadre de son travail, elle peut bénéficier d’une surveillance médicale spécifique : le suivi post-professionnel(7).
- La Surveillance Post-Exposition (SPE) cible quant à elle les travailleurs qui ne sont plus exposés à un risque professionnel mais qui sont toujours en activité. Ce suivi est réalisé par le service de prévention et de santé au travail (SPST)(8)
NOTRE EVALUATION : Si les risques liés à une exposition à l’amiante sont désormais bien connus des Français, des professions exposées à d’autres substances toxiques pour le capital respiratoire ne sont pas encore ciblées par ce suivi post-professionnel.
- En 2014, la HAS a développé des outils (deux fiches « Points clés et solutions ») et mis à disposition l’un des questionnaires de dépistage de la BPCO permettant de déceler les principaux signes d’alerte de la BPCO. Le médecin doit ensuite confirmer le diagnostic par mesure du souffle.
- L’évaluation de la qualité des soins pour la BPCO en 2022 par la HAS(9) montre que :
- Le dépistage de la BPCO par la réalisation d’une spirométrie ou d’une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) est nécessaire chez les personnes exposées à un risque de développer la maladie (tabac, exposition professionnelle à des toxiques ou irritants) afin de réduire l’exposition, ralentir l’évolution de la maladie et diminuer la fréquence et la sévérité des complications.
- La réalisation d’EFR ou d’une spirométrie annuelle chez les patients atteints de BPCO est primordiale pour surveiller la fonction respiratoire et ajuster ou renforcer les traitements si nécessaire.
NOTRE EVALUATION : Avec un dépistage réalisé chez seulement 21,3% des personnes identifiées à risque de BPCO et une évaluation annuelle chez seulement 34,2% des patients, il conviendrait de mettre en œuvre une politique de dépistage du souffle plus volontariste, afin d’orienter le plus tôt possible les patients qui seraient atteints d’une maladie respiratoire, quelle qu’elle soit, dans un parcours de soins et une prise en charge adaptés. Les professionnels de santé
NOTRE EVALUATION : Avec un dépistage réalisé chez seulement 21,3% des personnes identifiées à risque de BPCO et une évaluation annuelle chez seulement 34,2% des patients, il conviendrait de mettre en œuvre une politique de dépistage du souffle plus volontariste, afin d’orienter le plus tôt possible les patients qui seraient atteints d’une maladie respiratoire, quelle qu’elle soit, dans un parcours de soins et une prise en charge adaptés. Les professionnels de santé de proximité, notamment les infirmiers de pratique avancée et les pharmaciens pourraient avoir un rôle à jouer dans ce cadre. Aujourd’hui encore, des difficultés persistent pour identifier la BPCO dans le système national des données de santé (SNDS) de l’Assurance maladie. En effet, il s’agit d’une maladie qui, jusqu’à récemment, avait peu de spécificités dans sa prise en charge, rendant difficile son identification dans les bases de données. Les difficultés résident dans la distinction entre les différentes maladies au sein de ce groupe, notamment pour l’asthme et la BPCO ou la bronchite chronique(10).
- A la lumière de nouvelles données scientifiques, la HAS encourage, dans son rapport d’orientation du 1er février 2022(11), la mise en place d’un projet pilote en vie réelle et la rédaction d’études complémentaires pour documenter et définir les modalités de dépistage des cancers bronchopulmonaires les plus adaptées au contexte français.
- L’Institut national du cancer (INCa) en France a lancé un projet pilote pour le dépistage des cancers bronchopulmonaires, s’appuyant sur des recommandations récentes de la Haute Autorité de Santé. Ce projet utilise le scanner thoracique faible dose sans injection comme méthode de dépistage et vise à réduire la mortalité en détectant la maladie à un stade moins avancé chez les grands fumeurs et ex-grands fumeurs. Avant son initiation, l’INCa définit les critères d’éligibilité, les modalités de dépistage, et un plan d’assurance qualité. Des études complémentaires évalueront l’efficacité et la sûreté du dépistage en pratique courante pour envisager un déploiement national(12).
L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) poursuit une étude pilote nommée CASCADE, visant à dépister le cancer du poumon par scanner faible dose chez les femmes. Cette étude, soutenue par l’Institut national du cancer et le ministère des Solidarités et de la Santé, a déjà attiré l’intérêt de près de 3000 femmes, avec 1450 en cours d’intégration. L’étude vise non seulement à détecter le cancer du poumon mais aussi d’autres pathologies liées au tabac. Les résultats influenceront la planification d’une plus grande étude pilote prévue pour 2024(13).
NOTRE EVALUATION : Préconisé par la Commission européenne, un tel programme de dépistage a déjà démontré son efficacité dans plusieurs pays de l’Union Européenne. Le pilote de l’INCa est une première étape importante avant la généralisation du programme sur l’ensemble du territoire.
En 2023, le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni a lancé le plus grand programme d’invitation pour le dépistage du cancer du poumon de son histoire, ciblant plus d’un million de personnes, en particulier des fumeurs et ex-fumeurs. Jusqu’à présent, le programme a permis de détecter environ 2 400 cancers, avec trois quarts diagnostiqués à un stade précoce, ce qui améliore les chances de survie. Des centres de dépistage ont été installés dans des régions où la mortalité liée au cancer du poumon est élevée pour une détection précoce. Le déploiement national du programme, qui vise une couverture complète d’ici mars 2030, a aussi permis d’identifier des milliers d’autres maladies respiratoires non diagnostiquées, facilitant un traitement plus rapide et réduisant les hospitalisations.
Propositions relatives à la formation au dépistage du souffle
01
Elargir et inciter l’ensemble des professionnels de santé à réaliser des actes de spirométrie mais aussi former et équiper les médecins scolaires et du travail pour la réalisation du dépistage du souffle afin de permettre sa mise en œuvre au cours des visites médicales au travail et à l’école.
02
Former les professionnels paramédicaux et pharmaciens à la mesure du souffle et leur donner les moyens techniques de la réaliser afin de faciliter le repérage de patients à risque de développement de maladies respiratoires.
03
Faciliter l’accès des professionnels de santé, notamment des médecins généralistes et des infirmiers de ville, aux outils nécessaires à la réalisation de la spirométrie et la téléexpertise associée.
04
Sensibiliser les professeurs d’éducation physique et sportive à la reconnaissance des signes évocateurs d’une maladie respiratoire chez les élèves.
Propositions relatives au parcours patient
05
Adresser un bon aux assurés sociaux de la part de l’assurance maladie pour passer des examens respiratoires, en s’inspirant de ce qui est réalisé pour la mammographie et le dépistage du cancer du sein.
06
Améliorer la compréhension des trajectoires patients en améliorant la recherche à partir du SNDS et sa codification.
07
Elargir les consultations post-exposition prévues dans le cadre du suivi post-professionnel à d’autres substances toxiques pour le capital respiratoire, tels que les farines utilisées en boulangerie.
08
Autoriser l’accès direct aux pneumologues comme cela est déjà le cas pour le gynécologue, l’ophtalmologue ou le psychiatre.
Propositions relatives à la communication et à l’évaluation
09
Sensibiliser les Français à l’autodiagnostic et au repérage de signes évocateurs en diffusant largement le message « tousser et/ou être essoufflé, même si on est fumeur n’est pas normal », et en instaurant des habitudes d’autoévaluation de la fonction respiratoire.
10
Mettre en œuvre des campagnes périodiques de communication sur le dépistage du souffle à destination du grand public.
11
Mettre en place des systèmes d’évaluation et de suivi pour mesurer l’efficacité des programmes de dépistage et adapter les stratégies en conséquence.
Les membres du Collectif
Le Collectif des Etats Généraux de la Santé Respiratoire, ce sont 27 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé impliqués dans la lutte contre les maladies respiratoires. Notre ambition est de rassembler l’ensemble des acteurs de la santé, publics et privés, pour faire de la santé respiratoire une priorité du quinquennat et pour travailler à la mise en œuvre d’un grand plan national santé respiratoire & environnementale.
Nos soutiens institutionnels
Sources
01
Les principaux enseignements de l’enquête (splf.fr)
02
JOURNEE MONDIALE DE L’ASTHME - Centre Hospitalier Emile Durkheim (ch-emile-durkheim.fr)
03
Les principaux enseignements de l’enquête (splf.fr)
04
Underdiagnosis of obstructive lung disease: findings from the French CONSTANCES cohort | BMC Pulmonary Medicine | Full Text (biomedcentral.com)
05
Haute Autorité de Santé - Détecter et diagnostiquer la BPCO même sans symptôme apparent (has-sante.fr)
06
Les affections pulmonaires liées au travail
07
AMELI. Une prévention essentielle face aux risques liés à l’amiante.
08
Suivi post-professionnel ou post-exposition des salariés : quelle réglementation ?
09
HAS. BPCO : des indicateurs de qualité pour évaluer le parcours de soins des patients
10
https://sante-respiratoire.com/wp-content/uploads/2024/01/TR_AssociationSRF_BPCO_19-10-2023_Synthese_VF.pdf
11
HAS. Dépistage du cancer du poumon
12
HAS. Dépistage du cancer du poumon
13